Ce n’est pas un hasard si l’article de Jeroen Sweijen « Que deviennent les plaques de cocher ? » est paru dans une publication bretonne: Le Journal de Vitré. (Voir en bas d’article). C’est en effet la région Bretagne, et plus précisément le service Patrimoine de la région Bretagne, qui a entrepris un recensement du petit patrimoine routier, à savoir les plaques et panneaux du XIXème et début du XXème siècle.
Si les enquêtes d’inventaire sont de la compétence des régions depuis 2004, le Service Régional de l’Inventaire de Bretagne a quant a lui constitué plus de 130000 dossiers depuis 1964. Et pour la première fois un chapitre Patrimoine Routier doté d’un sous chapitre Panneau Indicateur a été créé et va être alimenté. Bien sur les saisies ne sont pas encore nombreuses mais elles ont le mérite d’exister et de progresser régulièrement. Nous y trouverons les panneaux indicateurs dits plaques de cocher mais aussi les Panneaux et bornes Michelin, les panneaux indicateurs émaillés, liste non exaustive pourvu qu’elle corresponde à la période. La seule condition pour qu’ils figurent dans cet inventaire est qu’ils soient existants. Chaque saisie fait l’objet d’un historique et d’apports photographiques ainsi que d’une localisation précise sur carte. Il s’agit donc bien d’un inventaire officiel au même titre que n’importe quelle identité remarquable matérielle ou immatérielle.
C’est sous l’égide et sous l’impulsion de Mme Elisabeth LOIR-MONGAZON, Cheffe du service de l’Inventaire du patrimoine à la Direction du Tourisme et du Patrimoine de la Région Bretagne, que ce travail fut lancé: un partage de connaissances collaboratif matérialisé par cet inventaire portant sur les panneaux indicateurs routiers. Nous sommes aujourd’hui deux à procéder aux saisies avec les outils du service du patrimoine de la région, Iwan Le Clec’h et moi-même. Compte tenu de la tâche à accomplir il va de soi que d’autres intervenants seraient les bienvenus. Mais ce qui compte aujourd’hui est bien la prise en compte officielle du caractère patrimonial des panneaux indicateurs.
Cette démarche participative à l’échelle de la Bretagne peut-elle être étendue à l’ensemble des régions? En théorie bien évidement que oui. Mais dans les faits qu’en est-il exactement?
Se livrer à une petite expérience est assez révélateur: sur chaque site régional, la page « inventaire du patrimoine » possède un moteur de recherche. Tapez les divers occurences ayant trait au sujet: panneau indicateur, Michelin, panneau routier… Vous obtiendrez un certain nombre de résultats mais à cent lieues de l’inventaire qui nous concerne dans la majeure partie des cas. Les inventaires des objets mobiliers, les études ponctuelles, les études thématiques, toutes catégories ne connaissant pas ce type d’objet.
Le cas de l’Île de France est assez symptomatique du désintérêt porté à ce petit patrimoine. En Île-de-France il y a Paris. Et il n’y a pas un immeuble, pas une plaque d’égout ni de rue, pas une borne ou une statue sur la ville de Paris qui n’ait fait l’objet d’un examen approfondi et donné lieu à une pléthore d’articles. Or il y a quelques années une magnifique borne Bouilliant datant de 1850/1860 avec une excroissance caractéristique servant de repère de nivellement, donnant également la distance jusqu’à Notre-Dame, fut démontée dans l’indifférence générale par une entreprise chargée des travaux sur le boulevard où elle trônait depuis un siècle et demi. Il a fallu l’intervention auprès de la mairie d’arrondissement de passionnés avertis pour que l’on s’y intéresse et retrouve sa place.
La démarche participative ne semble pas avoir rencontré le même écho selon les régions. La région Grand Est qui décline en trois volets ses inventaires (Champagne Ardennes / Alsace / Lorraine) s’adresse aussi bien aux étudiants, universitaires ou simples passionnés par le patrimoine, qu’aux élus, et, plus généralement, à ceux qui ont en charge la gestion du patrimoine. Par contre sur les Hauts-de-France aucune mention de ce type. De même l’Occitanie a mis en place un opendata mais qui ne concerne pas l’inventaire du patrimoine.
Donc pour résumer il y a du grain à moudre dans les régions. Mais la voie est tracée en Bretagne, rien ne nous empêche d’envisager un effet boule de neige à condition de se livrer à un travail de transmission de connaissances transversal, de sensibilisation, d’une région à l’autre. Notons quand même que les bases nationales de l’inventaire prennent en compte cette thématique patrimoine routier avec son vocabulaire adéquate: panneau indicateur / borne routière. Tout n’est donc pas à inventer ! Voir base Palissy.
L’erreur à ne pas commettre serait d’espérer une hypothétique reconnaissance nationale de ce type de signalisation routière. Une classification de toutes les réalisations indicatives de cette époque en tant que monument historique ou autre panacée ou supposée telle a autant de chance de se produire que l’arrivée sur le marché de l’automobile du moteur à eau du robinet ! Soyons clairs et réalistes sur les objectifs et les moyens de les atteindre: la préservation du patrimoine routier sera proportionnelle aux nombre de personne investies dans cette démarche. Et les régions avec leurs outils de recensement et donc de reconnaissance sont un moyen réaliste pour y parvenir.
Voici l’article de Jeroen SWEIJEN paru sur le Journal de Vitré le 21 mars 2021.