Pendant la révolution de février 1848 qui donna naissance à la seconde république, Henri Charles Bouilliant déclarait en parlant de ses ouvriers:
« J’ai toujours en vue le bonheur des ouvriers; aucun des nôtres ne peut raisonnablement se plaindre » (1).
La fonderie H. BOUILLIANT et Cie était à l’époque située 50 rue de Menilmontant, à la frontière entre Popincourt et Le Temple.
Deux ans auparavant, le 8 août 1846, le sieur Henri Charles Alfred Bouilliant déposait un brevet devant la préfecture de la Seine: il s’agissait de faire valider une « invention » qui servirait de support à l’ensemble des panneaux indicateurs de France:
<< GENRE DE PLAQUES D’INSCRIPTION EN RELIEF >>
Le libellé peut sembler apparemment anodin, le processus de fabrication n’était nullement précisé, ni à la préfecture de la Seine, ni au Ministère de l’Agriculture et du Commerce qui valida le brevet deux mois plus tard, le 8 octobre.
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Ce brevet était validé pour une durée de 15 ans. (2)
Il s’agissait d’un brevet S.G.D.G (sans Garantie du Gouvernement) et cette mention devait figurer obligatoirement sur tous documents, prospectus… reprenant l’objet de ce brevet. En outre, obligation était faite au breveté de mettre en exploitation l’objet de son brevet dans les deux ans qui suivaient son obtention faute de quoi il serait déchu de ses droits.
Henri Bouilliant n’attendit pas deux ans pour le mettre en exploitation. Pendant quinze ans, il n’eut aucun concurrent sur ce type de plaques dites « Système Bouilliant ». Il s’agit de lettres en relief coulées (fond et lettres d’un seul jet) en fonte de fer, zinc, cuivre ou tout autre métal fusible.
Outre les tableaux et poteaux indicateurs routiers, le système s’est étendu, au fil des marchés qu’il remportait, à tous les panneaux d’indication, y compris fluviaux, S.N.C.F…
Il existait déjà, suite aux circulaires de 1833 et 1835, un certain nombre de plaques et poteaux, mais d’une solidité réduite; les poteaux en bois ne duraient pas plus de 20 ans (3), les lettres peintes sur des enduits ciment encore moins. Les départements qui avaient fait ce choix devraient avant la fin du siècle s’orienter vers ce nouveau procédé, en outre le réseau national devait être renforcé au niveau de la signalisation: Bouilliant, au moment du dépôt de son brevet avait un immense potentiel de développement.
La fonderie H. BOUILLIANT et Cie fait publier en 1849 un document de 39 pages présentant, outre un modèle de rouleau compresseur portatif dont le brevet a également été déposé, le système Bouilliant sur les plaques et poteaux. Il est agrémenté de plusieurs planches sur lesquelles sont représentées de nombreux tableaux et poteaux dont les modèles sont encore visibles aujourd’hui.
Voici la planche 5:
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Et sur le site Gallica, l’intégralité du document, feuilletable à loisir:
Quelques plaques de cocher dont le modèle figure sur ce catalogue:
Comme vous le voyez, la couverture des routes Nationales, Royales et Impériales était étendue à l’ensemble du territoire; son développement sur le réseau secondaire (Voies de Grande Communication, Chemins d’intérêts communs) allait prendre de l’ampleur dans le dernier tiers du XIXème siècle. Il avait également mis en place un procédé pour modifier l’intitulé des routes sans avoir à se déplacer. (article à venir).
Toujours sur ce catalogue une plaque de canal que l’on retrouve notamment sur le Canal du Midi:
Les plaques fabriquées par Bouilliant Henri son estampillées en général en bas à gauche. Le signe que l’on rerouve communément sur ces plaques est H.B.B: Henri Bouilliant, le troisème B pouvant signifier ou bien Brevet, ou bien Bouilliant s’il s’agissait d’un fils ou d’un frère travaillant avec lui.
Ces sigles sont parfois succédés en plus petits caractères par des lettres ou chiffres dont je ne connais pas la signification. Il n’apparait plus sur les marchés portant sur l’ensemble des voies de communication dans les départements, tels la Drôme ou le Rhône.
Henri Charles Alfred Bouilliant décède le 27 mars 1856 à Paris VIII. La fonderie Bouilliant est désormais dans les locaux du 62 rue Ménilmontant (qui deviendra rue d’Oberkampf en 1864); nous trouvons là Louis Bouilliant et Eugène Antoine Bouilliant. La nouvelle fonderie se dénomme: Bouilliant et Cie, Fondeurs Constructeurs.
Voici deux planches datées vers 1858: elles m’ont été transmises par Alexandre Constantini lors de son étude sur les plaques de cocher en Drôme.
Une plaque de nivellement Bouilliant (au Fort St Charles de Marseille )
En 1859, une nouvelle planche éditée, on y voit ces fameuses bornes kilomètriques en fonte que l’on trouve encore à Paris et évaluant la distance jusqu’à Notre-Dame.
1860: peu de nouveauté sinon un poteau ouvragé en figure 18:
De 1861 à 1865 la fonderie Bouilliant installe 1274 plaques directionnelles dans la Drôme. (4)
L’implantation des plaques et poteaux en Drôme a certainement donnée lieu à l’édition de planches; en effet les plaques de ce département, même si on y rencontre une certaine similitude avec celles représentées sur la planche éditée en 1849 dans l’ouvrage consultable en haut de page ne sont pas srtictement identiques.
Par contre en Drôme, à Marsanne, on trouve une plaque de rue estampillée Bouilliant:
En 1876 le Conseil Général du Rhône adopte le système Bouilliant pour les plaques indicatives et poteaux sur les routes départementales. La fonderie était en concurrence avec deux autres fonderies, Girard-Col (spécialisée dans les panneaux en zinc émaillé) et David. Le marché est remporté par Bouilliant, ce dernier ayant le plus d’avantades au point de vue de la dépense. (sic) (5).
La fonderie Bouilliant a fabriqué un nombre considérable de plaques et poteaux dans toute la France; ci-dessous un extrait des délibérations du Conseil Général de la Haute-Saône en 1884. Même dans ce département ou les fonderies étaient largement présentes, Bouilliant avait voix au chapitre quand il s’agissait de remplacer les poteaux indicateurs en bois.
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Notons que dans ce département il existe encore des plaques de la fonderie Girard & Col et quelques une de chez Bouilliant. Ce marché devait porter sur les Chemins de Grande Communication et sur les Chemins Vicinaux Ordinaires. Il fut en définitive remporté par une troisième fonderie: Ricot-Patret de Varigney.
(1) Réponse faite dans le cadre de l’enquête Cavaignac dont la finalité était de supprimer les ateliers nationaux à Paris. H. Bouilliant fut l’un des chefs d’entreprise à répondre au questionnaire. – LA MAISON DES METALLOS ET LE BAS DE BELLEVILLE sous la direction de Thomas LE ROUX, éditions Créaphis 2003 – ↑
(2) La fonderie Bouilliant déposa d’autres brevets: En 1844 il déposa un brevet concernant les plaquespour les maisons et les inscription de nom des rues. ↑
(3) Rapport DUMAS Annales des Chemins Vicinaux 1846; ↑
(4) Voir le site d’Alexandre Constantini. ↑
(5) Archives du Conseil Général du département du Rhône année 1876. ↑