L’histoire épigraphique de la commune de Villaines-en-Duesmois est unique. Le territoire communal est parsemé de colonnes, ou bien purement directionnelles, ou, et cela est moins courant, de monuments civiques. Nous y trouvons des pierres gravées commémorant ou bien une adduction d’eau, ou encore une plantation de bois de pins, ailleurs l’ouverture d’une route… (1)
Ces informations ont déjà été relevées dans les Annales Historiques de la Révolution Française, plus précisément dans un document dont vous trouverez les références ci-dessous (1). Ce document est d’autant plus intéressant qu’il permet de dater la mis en place de ces colonnes civiques et surtout d’en déterminer l’initiateur: Georges-Marie Lambert.
Georges-Marie Lambert est un enfant de la révolution puisqu’il est né le 16 juillet 1789 à Villiers-Montfort en Côte d’Or. Il s’installe comme notaire à Villaines et avait comme client (entre autres) deux riches propriétaires de la région, le frère du Duc de Pasquier et le colonel Vaudrey, compagnon de conspiration (sic) de Louis Napoléon. Il était donc clairement un supporter du prince Louis Napoléon Bonaparte.
La Révolution de Juillet le portera à la tête de la commune: il devient maire le 31 août 1830, réélu sans interruption jusqu’en 1848, année durant laquelle il sera révoqué mais pour une durée de 6 mois. Après quoi il sera de nouveau réélu par suffrage universel. C’est dire si il était populaire. De 1851 à 1857 il fut Juge de Paix à Baigneux et à ce titre étendit ses bienfaits épigraphiques sur les communes environnantes.
On peut chercher à expliquer son besoin d’ériger des colonnes commémoratives dans tous les coins, c’est en tout cas ce qu’ont cherché à faire Maurice Agulhon et Pierre Lévêque dans le document précité:
Il nous semble que sa spécialité de maniaque de l’épigraphie se comprend mieux si on la rapproche de ses autres caractères: un libéral pédagogique et propagandiste, un bâtisseur et un agronome éclairé (2), avec une touche d’urbaniste ami du beau. Peut-être peut-on ajouter que Lambert, qui avait l’élocution difficile, et même qui bégayait, privé par là des joies de l’éloquence, dont on sait bien combien l’époque la prisait, devait être particulièrement porté à s’exprimer par la plume et le ciseau.
Cela peut être un explication effectivement. On peut toutefois noter que les inscriptions mettaient en avant diverses personnalités sans chercher à se mettre sur le devant de la scène.
Sont donc ici recensées les différentes réalisations que l’on peut encore voir sur la commune. En 1975 les auteurs du document disaient à leur sujet:
Plus sommaires de matériau et de technique, plus exposées à l’érosion, ces dernières inscriptions sont à peine déchiffrables aujourd’hui, sous les mousses, les moisissures et autres maux de la pierre.
Aujourd’hui en 2022, ces bornes civiques sont parfaitement lisibles, elles ont été manifestement entretenues, les caractères repeints. En outre elles portent des indications directionnelles (en plus des mentions hagiographiques et commémoratives) dont on ne parle pas en 1975. Mais on peut penser que ces indications datent de la même époque. par contre certaines bornes uniquement directionnelles n’ont pas été retouchées depuis leur mise en place, notamment celles qui se situent à l’intersection de chemins n’existant plus.
(1) Références biographiques: Agulhon Maurice, Lévêque Pierre. L’épigraphie au village. Les colonnes civiques de Villaines-en-Duesmois (Côte d’Or), 1830, 1848, 1870. In: Annales historiques de la Révolution française, n°222, 1975. pp. 556-566.
(2) Lambert agissait en agronome averti. (…) sur les terres dont il avait la gestion, il a été un véritable pionnier de la plantation des résineux pour revaloriser les landes incultes. (…) il obtînt une médaille de la société départementale d’agriculture.
A l’intersection entre les D32 et la rue de Semond cette borne adossée à une ancienne cabane de cantonnier ou d’outils. Si nous étions auparavant sur un Chemin de Grande Communication (le N°32 de Montbard à Aignay-le-Duc) il n’en est fait aucune mention sur la borne. Datant de la première moitié du XIXème siècle, cette voie ne devait pas encore être classée. (47.681704 4.529559). C’est d’ailleurs seulement à partir de 1872 que ce chemin sera jalonné par des bornes kilométriques, poteaux indicateurs et plaques. En outre il fut demandé des bancs de repos vers Villaines.
-Cliquez sur chacune des faces gravées de cette borne-
La Départementale 21 était la route Dijon au Riceys, une route pas encore numérotée en 1852. Cette voie de communication fut, comme on le lit sur la stèle, construite entre 1838 et 1839. Elle prit ensuite (entre 1854 / 1855) le N°21.
-La route fut donc construite grâce à M. Valère Cousturier, membre du Conseil Général de Côte d’Or. Ce dernier était locataire de l’usine de Ste Colombe en 1822 puis propriétaire des forges d’Ampilly-le-Sec en 1852-
Voici la borne directionnelle. En haut de nom de la commune: Villaines-en-Duesmois au-dessus d’une flèche indiquant la direction de cette commune. Vauginois, Puits, Etais, Savoisy, quatre communes dont la direction est indiquée par une flèche, toutes situées et dans cet ordre sur la D101.
Construit en 1838 et 1839. Suit le nom du premier cantonnier en charge de l’entretien de cette voie. Il s’agit de Jacques CODFERT, né en 1792. Il exerça pendant longtemps puisque sur les fiches de recensement de 1861 il est toujours enregistré en tant que cantonnier. On peut s’étonner de la présence du nom du cantonnier sur cette borne. Mais nous sortons d’une époque durant laquelle la corvée d’entretien des routes était répartie sur l’ensemble de la population et que cette dernière fut heureuse de voir cette contrainte supprimée (1776) Ce sont alors, et depuis 1810, les cantonniers adjudicataires qui gèrent entièrement l’entretien d’une route, puis à partir de 1816 les cantonniers stationnaires dont le travail consistait aussi à entretenir une route cantonale. Jacques Codfert était un cantonnier stationnaire sur la commune de Villaines-en-Duesmois, le premier.
Nous sommes sur l’actuelle D101. La borne est aujourd’hui au milieu de nulle part comme en témoigne cette photo.
-Cliquez sur cette borne-
Elle indique uniquement la direction de Villaines. Le principe d’implantation de ces bornes étant de les positionner à une intersection, nous constatons qu’effectivement vers 1850 arrivait ici une route rejoignant l’actuelle D32. Elle apparait clairement sur la carte ci-dessous.
-Carte de l’état major 1820-1866-
Le chemin transversal n’existe plus. Les indications portées sur cette borne indiquaient justement les communes ou lieux que l’on pouvait rencontrer en suivant ce chemin. La borne retournée sans doute lors de sa mise en culture.
-Etais-
-Vaugimois-
Une borne ou colonne civique et directionnelle. Elle est sur la route de Montbard, en dehors du village. La borne ci-dessus n’est éloignée que d’une centaine de mètres. (47.677841 4.506154).
On parle ici d’une plantation. Nous savons que Lambert était un botaniste averti et qu’il contribua à la plantation d’arbres pour le bien de tous. Ainsi, une ancienne stèle sur la hameau d’Emorots, commune de Fontaine-Duesmois, atteste qu’il a planté (alors qu’il était juge de Paix) des arbres, et ce le 2 décembre 1852. La borne ci-dessus est du même acabit.
Où l’on lit la destination d’Emorot, écart de la commune de Fontaine-Duesmois, citée ci-dessus.
Photographies et localisations IGN: ©Pascal WISSENBERG
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